Bilan
Mes premiers mois comme vice-premier ministre et ministre de l’Emploi, de l’Economie et de l’Agriculture
Quand j’ai prêté serment en tant que vice-premier ministre et ministre de l’Emploi, de l’Économie et de l’Agriculture, j’ai immédiatement ressenti le poids de la tâche. Derrière les titres et les responsabilités, il y a surtout une réalité : celle de femmes et d’hommes qui attendent de nous des solutions concrètes. Je pense aux travailleurs qui veulent que leurs efforts soient mieux récompensés, aux indépendants qui portent leur entreprise à bout de bras, aux jeunes qui cherchent leur première opportunité et aux agriculteurs qui, chaque jour, nourrissent notre pays malgré les incertitudes.
Nous avons un accord de gouvernement ambitieux, peut-être l’un des plus ambitieux de ces dernières années. Les attentes sont immenses. Les défis aussi. Très vite, j’ai compris que nous avions changé de paradigme.
Une anecdote m’a marqué : je suis le premier ministre libéral de l’Emploi au niveau fédéral depuis 104 ans. Ce chiffre peut sembler symbolique, mais en réalité, il en dit beaucoup quant au basculement historique qui est en cours. Car oui, aujourd’hui, plus que jamais, libérer le travail est une condition essentielle pour la prospérité de notre pays.
Réformer, pourquoi ?
Soyons clairs : la situation actuelle ne peut pas durer. Notre pays se trouve dans une situation budgétaire compliquée. Ne pas agir serait irresponsable. Si nous ne changeons rien, la Belgique se dirige vers l’un des déficits les plus élevés d’Europe. Poursuivre dans cette voie reviendrait à mettre en péril nos finances publiques et donc notre modèle social.
J’ai deux enfants. Comme beaucoup de parents, je pense à l’avenir qu’on leur laissera. Réformer, ce n’est pas une lubie ou trophée politique, c’est une prise de responsabilité envers la jeunesse d’aujourd’hui et les générations futures.
L’emploi, notre cap

L’enjeu, c’est l’emploi. Pas seulement des statistiques, mais autant de trajectoires personnelles. Derrière l’objectif des 80 % de taux d’emploi, il y a des familles, des projets de vie, de la dignité retrouvée. Chaque personne qui retrouve du travail, c’est une victoire individuelle, mais aussi une contribution collective pour nos pensions, nos hôpitaux, notre sécurité sociale.
Au-delà d’être une source de revenu, le travail est aussi un puissant vecteur d’épanouissement personnel, de cohésion sociale et d’estime de soi.
Ma conviction est simple : le travail doit toujours être plus rémunérateur que l’inactivité. Personne n’a vocation à rester enlisé dans le chômage.
Le chômage, c’est avant tout une assurance : il faut avoir contribué pour bénéficier de la protection. C’est normal que la collectivité soutienne celui qui perd son emploi après avoir travaillé et cotisé. Mais en contrepartie, chacun doit s’engager activement dans la recherche d’un nouvel emploi ou d’une formation.
J’aime utiliser une image simple : le travail, c’est une autoroute. Le chômage, c’est la bande d’arrêt d’urgence. Tout le monde peut y passer un moment après une panne ou un accident, mais personne n’a vocation à y stationner pendant des années.
Faire en sorte que le travail paie toujours plus
Mais pour que cette logique ait du sens et pour recréer un vrai cercle vertueux, il faut aller plus loin. En Belgique, le travail est encore beaucoup trop taxé. C’est un constat que nous ne pouvons plus ignorer. Si nous voulons vraiment valoriser l’effort, encourager l’emploi et récompenser celles et ceux qui travaillent, il est temps d’agir.
C’est le sens de la réforme fiscale que nous avons engagée. Elle vise à alléger la pression fiscale sur les travailleurs, à renforcer leur pouvoir d’achat, et à stimuler l’activité économique, sans alourdir la charge qui pèse sur les employeurs, déjà engagés via des baisses de cotisations sociales.
Concrètement, nous avons déjà prévu une augmentation des chèques-repas de 2 euros dès 2026 : un gain net immédiat pour les travailleurs avec une déductibilité fiscale portée de 2 à 4 euros pour les employeurs. D’ici 2029, la pression fiscale sur le travail sera réduite de 4 milliards, notamment grâce à une hausse progressive de la quotité exonérée d’impôts jusqu’à 15.300 euros. Et pour soutenir ceux qui gagnent le moins, un bonus sur les bas salaires sera aussi mis en place. Le cœur de cette réforme est simple : faire en sorte que le travail paie toujours plus que l’inactivité. C’est une réforme de justice sociale, mais aussi une réforme de bon sens économique.
Les réformes lancées

Avec mon équipe, que je remercie infiniment, nous avons voulu agir vite. La réforme du chômage était prioritaire. La Belgique était une exception en Europe : nous étions le seul pays à ne pas limiter les allocations dans le temps. Ce système ne fonctionnait plus. Il enferme des milliers de personnes dans l’inactivité, alors même que nous avons 320.000 emplois vacants et 175.000 chômeurs.
Notre réforme vise à transformer le chômage en véritable tremplin vers l’emploi : une protection temporaire renforcée, mais aussi une responsabilisation claire de chacun.
Nous avons également ouvert un vaste chantier de modernisation du marché du travail :
- extension des flexi-jobs,
- annualisation du temps de travail pour mieux gérer les pics et creux d’activité,
- réintroduction d’une période d’essai pour faciliter l’embauche dans les PME par exemple,
- réforme des heures supplémentaires pour donner plus de liberté aux travailleurs,
- assouplissements pour le travail étudiant, le travail de nuit, le dimanche, etc.
Toutes ces mesures ne visent pas à fragiliser les travailleurs, mais à créer plus d’opportunités. Plus de liberté pour les entreprises, mais aussi plus de revenus possibles pour ceux qui veulent travailler davantage.
Emploi et économie : un même combat

Je n’oublie pas que je porte une double casquette : ministre de l’Emploi et de l’Économie. Pour moi, ce ne sont pas deux missions séparées, mais les deux faces d’une même pièce. Plus l’économie est compétitive, plus elle crée d’emplois. Plus il y a d’emplois, plus l’économie prospère.
C’est le cercle vertueux que nous devons enclencher. Mais il ne faut pas se voiler la face : notre compétitivité est en recul. Les coûts du travail, l’énergie, les charges administratives sont autant de freins qui pèsent sur nos entreprises.
Avec le Premier ministre, nous avons lancé le plan interfédéral MAKE 2025-2030. Son ambition est claire : replacer la Belgique sur la carte des pays qui produisent, innovent et exportent.
L’économie belge et européenne évolue dans un contexte mondial instable. L’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, et sa volonté affichée de déstabiliser le commerce international en imposant des barrières douanières, a eu un effet inattendu : réveiller l’Europe.
Car oui, l’Europe a parfois été trop naïve. Elle a cru que l’ouverture et la coopération suffiraient, alors que d’autres puissances n’ont jamais hésité à recourir au protectionnisme et à la concurrence déloyale. L’attitude américaine nous oblige aujourd’hui à défendre nos intérêts avec plus de fermeté.
C’est dans cet esprit que nous devons renforcer notre compétitivité, simplifier nos règles et investir dans les filières stratégiques. La transition industrielle et énergétique, l’innovation technologique et la sécurisation de nos chaînes de valeur ne sont pas des slogans : ce sont des conditions de survie dans la compétition mondiale.
Agriculture : un pilier à défendre

Enfin, je n’oublie pas ma troisième mission : l’agriculture.
L’agriculture, ce n’est pas seulement un secteur économique. C’est un pilier de notre société, de notre culture. Sans agriculteurs, il n’y a pas de souveraineté alimentaire.
Ces dernières années, j’ai rencontré beaucoup de femmes et d’hommes qui travaillent la terre et élèvent du bétail. Tous m’ont partagé les mêmes inquiétudes : des prix trop bas, une concurrence déloyale, une complexité administrative lourde, et des exigences environnementales parfois vécues comme impossibles à tenir. Les manifestations agricoles de 2024 ont été l’expression de cette colère, mais aussi le signal d’une véritable détresse.
En tant que ministre de tutelle, ma responsabilité est de les écouter, de comprendre leurs réalités, mais surtout d’agir. Nous l’avons fait lors de la précédente législature en mettant sur pied la taskforce agroalimentaire, qui a permis de rassembler l’ensemble des acteurs de la chaîne et de prendre des mesures concrètes pour améliorer la transparence, rééquilibrer les relations commerciales et soutenir les revenus des producteurs.
Les agriculteurs doivent aussi faire face à des crises sanitaires, comme la langue bleue, qui fragilisent durement leurs exploitations. C’est pourquoi nous avons déjà débloqué 40 millions d’euros pour financer la vaccination et protéger les troupeaux.
Aujourd’hui, notre action vise à simplifier les procédures, à améliorer la réactivité de l’État en cas de crise, et à défendre nos agriculteurs dans les négociations européennes. Car oui, l’agriculture belge et européenne doit rester compétitive, mais elle doit surtout rester vivable. Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs des normes toujours plus strictes, tout en important des produits venus de pays qui ne respectent pas les mêmes règles.
Cette incohérence, je veux la combattre. Défendre notre agriculture, c’est défendre bien plus que des exploitations : c’est protéger une économie locale, préserver nos paysages, faire vivre des traditions, et surtout soutenir des familles qui portent sur leurs épaules une part essentielle de notre avenir collectif.
Conclusion

Ces six premiers mois ont été intenses. Réformer le chômage, moderniser le marché du travail, lancer une nouvelle dynamique industrielle, protéger nos agriculteurs… Plus que des textes, ce sont des choix de société.
Être ministre est un défi quotidien. Il ne suffit pas de prononcer des discours ou de signer des notes. Chaque décision implique des compromis, des débats parfois houleux, et des arbitrages qui ne font jamais l’unanimité. Mais c’est ça, gouverner : prendre ses responsabilités, même quand c’est difficile, parce qu’on est convaincu que c’est nécessaire pour le pays.
Je sais que nous n’avons pas encore répondu à toutes les attentes. Je sais aussi que nous serons critiqués, parfois caricaturés. Mais notre cap est fixé et il nous appartient d’avancer.
Mon engagement est clair : remettre l’emploi au centre, renforcer la compétitivité, protéger notre modèle social et soutenir nos agriculteurs. Parce qu’au fond, tout cela converge vers une même idée : bâtir une Belgique plus forte, plus juste et plus confiante dans son avenir.